Le nativisme, une fracture démocratique française

Christophe Bertossi, « Le nativisme, une fracture démocratique française », Esprit, Septembre 2024 (accès payant)

Dans une analyse approfondie des tensions qui déchirent la politique française contemporaine, Christophe Bertossi expose la nature complexe d’une fracture idéologique inédite. Cette division oppose deux visions irréconciliables : d’une part, ceux qui estiment que « l’islam n’est pas compatible avec la République » et, d’autre part, ceux qui soutiennent « l’islamophobie n’est pas compatible avec la démocratie . Cette césure, plus fondamentale que les anciennes distinctions entre « progressistes » et « identitaires », révèle une remise en question profonde de la citoyenneté française.

« Le nativisme défend une citoyenneté exclusive,
hiérarchisée, fondée sur l’antériorité et l’origine, s’opposant à une citoyenneté inclusive, ressortissant du principe d’égalité et de la diversité. »

Le concept de nativisme devient ici central pour éclairer ce conflit. Il décrit une idéologie qui confère aux citoyens « de souche » des droits supérieurs à ceux des nouveaux arrivants. Ce nativisme défend une citoyenneté exclusive, opposée à une citoyenneté inclusive fondée sur le principe d’égalité. La conséquence de cette vision est la hiérarchisation des droits, où l’origine devient un critère de citoyenneté. En réaction à cela, Christophe Bertossi plaide pour une réaffirmation des principes républicains, notamment l’égalité et la diversité, comme socles de la démocratie française.

L’analyse met en lumière un bouleversement des repères politiques traditionnels, où certains n’hésitent plus à qualifier Marine Le Pen de « femme de gauche » en raison de positions jugées modérées sur l’immigration, tandis que d’autres dénoncent une alliance perçue entre « islamistes » et « gauche ». Cette confusion des repères rend plus difficile la lecture des rapports de force et l’identification des alliés dans la lutte pour une société plus équitable.

Dans ce contexte, la question sociale, autrefois centrale dans le débat républicain, est aujourd’hui éclipsée par les considérations identitaires. Cette régression idéologique constitue un danger majeur pour l’idéal démocratique en France, alors que le débat public se voit déformé au profit d’une conception identitaire des valeurs républicaines. Le nativisme, en tant qu’idéologie émergente, pousse à l’uniformisation et à l’exclusion, niant la diversité et freinant les luttes contre les inégalités et le racisme.

« La question sociale, jadis pivot de la solidarité nationale, a donc été annihilée au bénéfice d’un discours identitaire exclusif. »

Loin de se contenter d’un constat critique, Christophe Bertossi appelle à une mobilisation collective pour défendre les principes républicains dans leur essence : « l’égalité et la liberté, avec notamment un droit qui ne se négocie pas : l’altérité ». Ces principes, selon lui, sont les fondements d’une cohésion sociale durable et d’une véritable démocratie délibérative, où chaque citoyen peut participer pleinement à la construction du destin commun. La démocratie française, conclut-il, se trouve à un carrefour décisif. Le choix est entre une république inclusive, fidèle à ses idéaux, et une république qui cède aux sirènes du nativisme et de l’exclusion.

Avec ce texte, Christophe Bertossi propose une réflexion urgente sur les mutations idéologiques qui traversent la France, en insistant sur la nécessité de déconstruire les discours identitaires pour restaurer un débat démocratique authentique.