Une société où chacun se sent à sa place, où la solidarité, l’émancipation, l’égalité et les liens entre les gens sont des valeurs centrales, c’est la vision défendue par l’Idem — L’Institut pour la Démocratie. Pour comprendre ce que signifie la culture démocratique, il faut sortir de la confusion sciemment entretenue par le débat politique et médiatique entre l’universel et l’uniforme. L’universel, c’est ce qui peut être partagé par tous, comme les droits humains. L’uniforme, c’est quand tout le monde doit se ressembler et penser de la même façon.
Le débat sur la laïcité et les signes religieux en est un exemple. Au nom de la lutte contre le fondamentalisme religieux, on procède à une érosion de l’expression du pluralisme religieux en promulguant des lois restrictives sur le port des signes religieux. Ces lois visent surtout l’effacement dans l’espace public des personnes musulmanes au nom d’une neutralité.
Il est donc impératif que soient réaffirmés sans équivoque les principes fondamentaux d’une véritable culture démocratique : l’égalité et la liberté, avec notamment un droit qui ne se négocie pas, l’altérité. De ce droit résulte la diversité qui n’est que ce qui nous unit, en dépit de nos différences qui existent. Ces différences ne sont pas l’expression politique d’une fracture identitaire mais simplement un fait, ancré dans notre histoire nationale, un héritage commun.
La richesse des échanges et de la diversité
Les échanges entre les personnes de différentes origines rendent notre société plus riche. Dans le champ de la culture, la chanson française en offre un très bon exemple. Cette école musicale s’est développée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans un Paris cosmopolite. On doit la richesse de sa production et son succès à des auteurs aux origines étrangères : Serge Reggiani, Geroges Brassens, Léo Ferré ou encore Yves Montand avaient des origines italiennes, Mouloudji étaient né en Kabylie, Jacques Brel en Belgique, Serge Gainsbourg et Jean Ferrat avaient des origines russes, arméniennes pour Aznavour, grecques pour Moustaki… Aujourd’hui, leur appartenance à la culture française est incontestable, ils en sont même des symboles. Ils ont participé à son rayonnement international de même qu’à l’attractivité de notre pays.
L’Organisation internationale du Travail (OIT) confirme et encourage l’apport de la diversité pour les entreprises dans l’émergence de nouvelles idées, pour l’innovation et la croissance. Dans son rapport intitulé « Transformer les entreprises par la diversité et l’inclusion », publié en 2022, elle soutient que la diversité et l’inclusion jouent « un rôle essentiel […] quant aux performances de la main-d’oeuvre, des entreprises, de l’économie et de la société en général […] Si l’inclusion reste un privilège qui ne concerne que ceux qui exercent des fonctions d’encadrement, les entreprises risquent de se priver d’avantages considérables ».
Comment construire une société intégrée ?
Une société se construit par les liens sociaux qu’elle sait tisser. Pensez à un puzzle géant où chaque pièce est importante. Ces liens se forment par le travail, l’éducation, les arts, la culture, et le respect de la diversité. Ce n’est pas aux individus de s’intégrer à une société déjà faite, mais à la société de créer un espace où chacun trouve sa place, qu’il soit étranger, immigré ou natif. Malheureusement, la démocratie sociale, le grand projet d’une citoyenneté fondée sur la solidarité et la protection sociale héritée de la pensée social-démocrate de l’après-guerre avec l’État providence, est aujourd’hui affaiblie par des politiques qui insistent trop sur la responsabilité individuelle où chacun serait en charge de ses réussites et de ses échecs dans son parcours de vie.
Le rapport 2023 du collectif Nos services publics montre que, malgré l’augmentation des besoins sociaux, le désengagement de l’État a réduit la capacité des services publics d’y répondre en raison de la baisse continue des moyens alloués depuis 20 ans. Cet écart croissant permet à une offre privée subventionnée par l’État de se développer (écoles privées dans l’éducation, et cliniques privées dans la santé, par exemple). En conséquence, les services publics peinent à réduire les inégalités sociales.
Autrement dit, on demande de plus en plus à chacun de se débrouiller tout seul, mais une vraie démocratie, c’est quand tout le monde s’entraide, débat rationnellement des grands enjeux qu’ils faut relever dans une période où l’idée même de démocratie ne va plus de soi.
Participation sociale et politique pour tous
Pour que tout le monde puisse participer à la vie de la société, il faut réfléchir à de nouvelles façons de donner la parole aux gens. Dans une société démocratique, chacun doit avoir le droit de parler et d’être écouté. Il ne suffit pas de voter de temps en temps, il faut pouvoir participer aux décisions tous les jours. Et pas seulement ceux qui sont déjà riches ou puissants. La voix de chaque personne compte, peu importe son origine ou sa situation.
L’action collective : une force extraordinaire
Laisser aux citoyens la liberté d’organiser la société, c’est essentiel. Les revendications pour plus de justice sociale, raciale, environnementale et climatique démontrent combien les citoyens ont des attentes fortes sur des sujets devenus clivants par le déni ou le silence politique et médiatique qui privilégient l’identité, la sécurité et l’exclusion. Au lieu d’avoir une organisation où tout vient d’en haut, où l’État décide pour tout le monde sans rendre de comptes, l’action collective montre une grande capacité à créer des liens et des structures sociales fortes. En 2023, on compte, par exemple, 1,3 millions d’associations en France, ce qui témoigne d’une volonté des citoyen·nes d’agir sur le quotidien, de répondre à des besoins qu’ils soient locaux ou nationaux voire internationaux. Quand les gens s’organisent eux-mêmes, ils se sentent responsables et investis dans leur communauté. Cela renforce les liens et la solidarité. C’est ce qui a fait le modèle de la démocratie sociale française, qui n’existe que grâce à ses forces ancrées dans la société civile, avec ses associations et ses syndicats.
Dépasser les clivages nativistes
Pour aller plus loin, il est essentiel de dépasser les clivages nativistes. Ces clivages sont des divisions basées sur l’idée que seuls ceux qui sont nés dans un pays ou qui partagent une certaine culture ont des droits ou une « valeur ». Cela crée des conflits et des injustices. Une société démocratique doit être ouverte et inclusive, accueillant les différences et voyant la diversité comme une force et l’altérité comme un droit, pas une menace.
Conclusion : vers une société plus juste et solidaire
Pour conclure, il est temps de repenser notre façon de vivre ensemble. L’Idem propose de remettre la culture démocratique au centre de nos vies, en valorisant la solidarité, l’émancipation, l’égalité et les liens entre les gens. Nous devons encourager les échanges et la diversité, construire une société intégrée par des liens sociaux forts, permettre à chacun de participer activement à la vie politique et sociale, et enfin, laisser la place à l’action collective. En dépassant les clivages nativistes, nous pourrons créer une société plus juste, plus solidaire et plus riche en opportunités pour tous.