Le défi de la démocratie face au nativisme : une analyse comparative mondiale

5 minutes

En France, le nativisme crée un sentiment d’hostilité à une partie de nos concitoyens que l’on renvoie à leur origine supposée pour mieux les exclure de notre citoyenneté commune. Ce nativisme gagne aujourd’hui du terrain dans le monde entier, manifestant des discours et des politiques hostiles à l’immigration. Cette idéologie, en opposition flagrante avec les principes démocratiques fondés sur l’égalité des droits, représente un défi majeur pour la démocratie.

Un phénomène qui se répand

La question ne se pose pas uniquement pour la France. La tendance générale dans le Nord Global est à la sortie du libéralisme démocratique et à l’accentuation des discours nativistes. Le nativisme touche même les plus anciennes démocraties « occidentales » (États-Unis, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, etc.) marquées par une évolution illibérale de leur citoyenneté, leur solidarité et leur pacte de travail: Brexit au Royaume-Uni, Trump et son « Make America Great Again » (MAGA), Orban en Hongrie, le portefeuille de la Commission européenne sur la « promotion du mode de vie européen », etc.

Un recul de la démocratie

Ce repli sur soi se traduit par une réduction de la démocratie à une simple question d’élections. Cependant, l’histoire contemporaine nous rappelle que des élections ne suffisent pas à garantir l’existence d’une démocratie, comme en témoignent récemment les élections en Russie. La démocratie exige également la garantie des libertés publiques et la transparence des institutions. Elle ne peut être pleinement réalisée que si elle repose sur une culture politique de l’égalité et de la solidarité, ainsi que sur une participation la plus inclusive possible. Pour évaluer ces aspects, des organisations telles que The Economist Intelligence Unit établissent chaque année l’indice de démocratie, prenant en compte divers indicateurs tels que le processus électoral, le pluralisme, le fonctionnement du gouvernement, la participation politique, la culture politique et les libertés civiles.

Des politiques migratoires restrictives

Les politiques migratoires se durcissent un peu partout. On observe une multiplication des restrictions à l’immigration, s’ajoutant à la contradiction inhérente au libéralisme : tandis qu’on a toujours privilégié la circulation des marchandises et des capitaux (libéralisme économique), celle des personnes et les droits et libertés qui leur sont attachés (libéralisme politique) sont souvent relégués au second plan. Pour illustrer cela concrètement, on peut évoquer la construction de murs, comme ceux érigés entre le Mexique et les États-Unis à partir des années 1980, intensifiée ces dernières années, ou encore les barrières érigées en Europe sur plus de 2 000 km à différentes frontières, comme entre l’Espagne et le Maroc, entre la Grèce et la Turquie, ou à Calais. Aux États-Unis comme en Europe, on assiste à une illégalisation croissante des migrations et à une politique de dissuasion au mépris des vies et des droits.

L’émergence d’un « illibéralisme » assumé

Autrefois, les critiques du libéralisme économique mettaient en avant ce paradoxe. Des expériences de liberté régionale de circulation ont été tentées, telles que l’espace Schengen au sein de l’Union européenne (UE). Cependant, aujourd’hui, cette contradiction s’observe de manière plus marquée. D’une part, on constate une multiplication des accords d’échange, promouvant la libre circulation des biens et des capitaux. D’autre part, cette contradiction est illustrée par la réforme du Pacte asile et immigration, adoptant une ligne très dure, et par l’augmentation spectaculaire, multipliée par dix en dix ans, du budget de l’agence Frontex. Cette nouvelle attitude des libéraux économiques témoigne d’une remise en question de leur engagement envers la liberté politique. On constate une volonté de rompre avec des principes fondamentaux tels que la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) : le Royaume-Uni exprime le souhait d’envoyer ses demandeurs d’asile au Rwanda, tandis que certains responsables politiques français, à l’instar de Gérald Darmanin, envisagent ouvertement de ne pas respecter la CEDH, comme cela a été illustré en décembre dernier.

L’extrême-droite n’est plus seule

L’extrême-droite ne détient plus le monopole de la « préférence nationale ». Le nativisme s’est étendu et imprègne désormais les discours des partis traditionnels, y compris ceux de droite et parfois même de gauche. Cette évolution revêt une importance capitale sur le plan géopolitique, insérée dans les tensions entre puissances mondiales au sein d’une nouvelle guerre idéologique et culturelle. Poutine, en évoquant le déclin de l’Occident, cherche à légitimer son pouvoir dans un contexte post-démocratique, tandis que Trump, avec son slogan « Make America Great Again » (MAGA), symbolise le retour à l’unilatéralisme et à la remise en question des accords internationaux. Cette dynamique exerce une influence décisive sur la géopolitique mondiale et façonne les trajectoires nationales, y compris la remise en question potentielle de la démocratie libérale. Les politiques migratoires illustrent que le nativisme ne se limite plus à l’extrême-droite, mais s’enracine profondément dans les projets de société des gouvernements.

Conclusion

La démocratie est un soft power : la défendre doit être au centre de la politique étrangère des pays du Nord dans un rapport de force international qui évolue. Le défi est immense. Il s’agit de reconquérir les cœurs et les esprits en démontrant que la démocratie est le meilleur système pour garantir la liberté, l’égalité et la prospérité. Cela passe par une refonte du modèle économique centré sur les questions d’inégalités sociales et la transition écologique, une conception de la migration fondée sur un choix et où les politiques suivent les besoins en matière d’accueil et de garantie des droits fondamentaux. Cela passe enfin par une refondation de la citoyenneté à laquelle tous les membres de la société prennent part activement, quelle que soit leur nationalité, dans le dialogue et la concertation..

Créez un site ou un blog sur WordPress.com