L’avenir de la démocratie est entre nos mains — Revue du 21 juin 2024

Perin Emel Yavuz et Lio Ando-Bourguet

52 minutes

La soudaine et abrupte campagne législative a amplifié une guerre de rhétorique politicienne dans les médias, dans laquelle l’extrême-droite a une bonne avance avec l’aide du camp présidentiel et d’une élite médiatique partiale. L’enjeu : fragiliser et disqualifier la gauche dont l’union inattendue apparaît comme un danger pour les intérêts économiques et les privilèges de certains.

Tout est bon jusqu’à l’usage politique du racisme et au renversement du sens et de l’histoire. La lutte contre l’antisémitisme est ainsi transformée en projet de l’extrême-droite, quand le discrédit est jeté sur celles et ceux qui luttent contre le racisme antimusulman. Pour ne pas parler du fond, on monte en épingle les moindres faits et gestes. Le programme économique de la gauche ? « Irréaliste », juge-t-on à l’unisson. Et qu’importe l’avis des chercheurs en économie les plus renommés. Des années de rejet de la science et des connaissances au profit du bon sens populaire et des idées simplifiées sont passées par là. Le discours de la dette et des caisses vides est ainsi mobilisé comme une arme pour maintenir un statu quo social dans lequel les inégalités font partie de l’ordre naturel. Les « électeurs ordinaires » du Rassemblement national, si bien décrits par Bastien Faury dans son récent ouvrage, s’y sont déjà pliés. Pas question d’ouvrir l’horizon, il faut forcer la résignation face aux espoirs d’émancipation et d’une vie digne, et reporter les frustrations et les rancœurs vers d’autres, « ceux » qui ne sont pas comme « nous ».

Au-delà de la guerre rhétorique qui se joue dans les médias, une réalité reste occultée : la violence de l’extrême-droite s’accroît dans les rues, le racisme devient de plus en plus banal, la brutalité se structure derrière une façade sécuritaire. Au regard de cet enjeu existentiel pour la société, comment mener campagne et lutter contre l’extrême droite quand elle dispose de moyens et de relais médiatiques aussi puissants ? Et contre ceux qui ont érigé l’« arc républicain » contre la défense des valeurs démocratiques de liberté, d’égalité et de fraternité ? Comment continuer à faire vivre cet imaginaire et cet idéal démocratiques alors que les médias mainstreams ne jouent plus leur rôle de médiation, d’explication et d’information mais produisent des représentations qui nous divisent et ne nous renvoient que des impossibilités ? 

Face à un espace médiatique de moins en moins démocratique, c’est ailleurs que les luttes se mènent. Alors que la menace de l’arrivée de l’extrême-droite au gouvernement est réelle (et, à bien des égards, ses idées sont déjà à l’œuvre), la société civile, à travers les milieux associatifs et syndicaux, s’est jetée à corps perdu dans la mobilisation. Cependant, la crise institutionnelle d’une Ve République usée jusqu’à la corde a entamé la confiance de nombreux citoyens. Les expériences de porte-à-porte durant la campagne législative le montrent bien : le sentiment général du « à quoi bon » est prégnant. Mais, que l’on ne s’y trompe pas : plus qu’un rejet de la démocratie, ce désenchantement traduit davantage le désir d’être écoutés et pris en compte dans les décisions qui nous concernent.

Les usages politiques du racisme, entre instrumentalisation et discrédit

La lutte contre l’extrême-droite est un devoir moral pour les organisations juives. Des citoyennes et citoyens juifs dénoncent l’instrumentalisation de l’antisémitisme par des organisations juives — le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), le Fonds social juif unifié (FSJU), le collectif « Nous vivrons » et la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) — pour des fins politiciennes. Ils et elles affirment que le devoir historique des organisations est de s’opposer au Rassemblement national (RN). Ils condamnent les accusations infondées d’antisémitisme contre La France insoumise et le Nouveau Front populaire, soulignant que cela banalise le RN et empêche de former un front uni contre l’extrême droite. « Faire barrage à l’arrivée au pouvoir du RN… là se mène le vrai combat contre l’antisémitisme et tous les racismes, » affirment-ils, soulignant l’urgence de ce combat.

L’antisémistisme est une infamie, son instrumentalisation aussi. Face à l’intensification des accusations en antisémitisme contre Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise (LFI), un collectif de chercheurs, à l’initiative de l’historienne Ludivine Bantigny, demandent que ces accusations infamantes cessent. Dans un texte franc et très documenté, ils rappellent d’abord le contexte politique qui conduit certains à utiliser cette accusation pour disqualifier la France insoumise, qui représente une gauche combative, et criminaliser son soutien au peuple palestinien. « Nous savons bien pourquoi cette offensive déchaînée est menée : la possibilité d’une arrivée de la gauche au pouvoir terrifie les représentants d’un ordre social, économique et idéologique. Il leur faut absolument briser l’alliance de gauche, disqualifier par une sorte de mise à mort politique l’une de ses forces les plus importantes et les plus combatives. » Analysant des propos de LFI qui ont pu heurter, ce texte démontre leur instrumentalisation pour porter des accusations mensongères et rappelle ceux qui réaniment la pensée antisémite en France : « Que nous sachions, la réhabilitation des antisémites Pétain et Maurras n’a pas été programmée par LFI, mais par Emmanuel Macron. Personne, à la LFI, ne peut être accusé comme Gérald Darmanin d’avoir été membre de l’Action française, une ligue royaliste notoirement antisémite, ou d’avoir cité l’historien antisémite Jacques Bainville lors d’une intervention à la tribune de l’Assemblée nationale. » Derrière ces manipulations, c’est la lutte contre l’antisémitisme qui est affaiblie et dévoyée. 

Instrumentaliser un crime antisémite : pas de tabou pour le camp présidentiel. Mercredi 19 juin, des centaines de personnes se sont rassemblées à Paris pour condamner l’antisémitisme suite à l’agression présumée d’une jeune fille juive à Courbevoie par trois adolescents. L’événement, organisé à l’appel du collectif controversé Nous vivrons, créé au lendemain de l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre, a rapidement dégénéré en une protestation virulente contre Jean-Luc Mélenchon et son alliance avec le Nouveau Front populaire (NFP) à laquelle ont pris part des ministres et anciens ministres comme Jean-Michel Blanquer, Sylvain Maillard, Astrid Panosyan ou encore Clément Beaune. Présent, Eric Dupond-Moretti a critiqué Mélenchon pour ses propos minimisant l’antisémitisme en France. Invité sur TF1 le soir même, Gabriel Attal a poursuivi la charge, tandis que Mélenchon a condamné fermement le crime sans vouloir le transformer en spectacle médiatique. Les autres membres du NFP ont également affirmé la nécessité de combattre vigoureusement l’antisémitisme.

Toujours et encore des accusations contre les partis de gauche. Bruno Le Maire a critiqué la participation du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) au Nouveau Front populaire en affirmant qu’il avait été condamné pour apologie du terrorisme. Le porte-parole du NPA, Philippe Poutou, a réfuté cette affirmation sur les réseaux sociaux. En réalité, le NPA fait l’objet d’une plainte, comme d’autres personnalités de gauche (Rima Hassan et Mathilde Panot, par exemple), pour apologie du terrorisme suite à des déclarations concernant les événements en Palestine. Aucune audience n’est actuellement prévue, et les procédures judiciaires similaires visant d’autres personnalités de gauche montrent une tendance à utiliser cette accusation pour limiter la liberté d’expression politique.

L’islamophobie, un racisme massif mais invisible. Les tensions exacerbées par les événements du 7 octobre entre le Hamas et Israël soulignent l’urgence de combattre tous les racismes en France, particulièrement l’islamophobie. Avec plus de 5 millions de musulmans et environ 500 000 juifs en France, il est crucial de reconnaître l’intensité de l’islamophobie, « le racisme de loin le plus intense sur [le] territoire » français. Contrairement à l’antisémitisme, l’État néglige souvent l’islamophobie, comme le montre l’absence de réaction à 77 attaques contre des mosquées entre début 2019 et printemps 2023, contrastant avec la réponse immédiate aux attaques contre les synagogues. « La négation de l’islamophobie comme concept en France est avant tout une façon de nier l’existence concrète du premier racisme de France, à grands renforts de refrains universalistes abstraits, sans lien aucun avec les vies vécues, les esprits et les corps. » 

Une polémique autour de la candidate LFI Amal Bentounsi met en lumière des mécanismes islamophobes persistants. Amal Bentounsi est la fondatrice du collectif « Urgence Notre Police assassine » après que son frère ait été tué par un policier à Noisy-le-Sec en 2012. Quel est l’élément déclencheur? Des propos supposément homophobes datant de 2015, attribués sans vérification à Amal Bentounsi, ont été utilisés pour la discréditer. Cette tactique rappelle les attaques médiatiques contre la chanteuse Mennel Ibtissem, où ses publications passées avaient été exhumées pour la discréditer après sa participation remarquée à The Voice. L’absence de contexte et de vérification dans ces accusations reflète un double standard médiatique : aucune autre candidate n’aurait subi un tel examen minutieux de ses propos passés. Cette focalisation sur des suppositions d’homophobie vise à détourner l’attention des vrais enjeux politiques et à stigmatiser les personnalités publiques musulmanes. Pourtant, Bentounsi avait déjà clairement exprimé son soutien aux luttes LGBTQI, comme en témoigne sa participation à une tribune féministe et trans en 2022. Cette affaire souligne les défis auxquels sont confrontées les figures musulmanes dans l’espace public français, souvent soumises à une pression médiatique intense et à des attaques visant à les marginaliser et à les délégitimer.

Bolloré : une croisade médiatique contre la démocratie

La dissolution, une opportunité assumée et pleinement saisie par Bolloré pour mettre l’extrême-droite au pouvoir. Déjà fortement à l’œuvre pendant les présidentielles 2022, Vincent Bolloré a remis tous ses médias (Pascal Praud sur CNews, Cyril Hanouna sur C8, Philippe de Villiers sur Europe 1, Geoffroy Lejeune sur Le Journal du dimanche, Paris Match…) au plein service de la campagne législative de l’alliance RN-LR, avec tous les moyens et la portée que nous lui connaissons. Au programme : souffler du vent dans les voiles de la nouvelle union des (extrême) droites en dissuadant tout possible électeur·ice des candidat·es de droite dissidents à coup de fake news, ou en évitant le plus possible la mise en scène de confrontations internes. Une nouvelle émission a même déjà été taillée sur mesure, prévue pendant deux semaines sur Europe 1, intitulée « On marche sur la tête » et animée par Cyril Hanouna tous les jours de semaine pendant deux heures. Enfin, il s’avère que Cnews (chaîne la plus regardée en France) est traitée de manière privilégiée par le gouvernement : un conseiller de l’Elysée a informé Pascal Praud de la dissolution le dimanche 9 juin, avant les résultats des élections européennes et avant même que le premier ministre ou la majorité du gouvernement n’ait été mis au courant. 

Zoom sur la nouvelle émission d’Hanouna, « On marche sur la tête ». Le titre fait référence au slogan popularisé pendant le mouvement des agriculteurs de début 2024, mais est également une expression favorite d’Hanouna sur TMTP. Un élu du personnel de Canal+ explique la stratégie de transfert d’Hanouna sur Europe 1, au lieu de continuer la croisade sur C8 : cette dernière doit être auditionnée par l’Arcom le 9 juillet pour évaluer la reconduction de son autorisation d’émettre. Avec une trentaine d’interventions de l’Arcom depuis 2015 lorsque Bolloré en a pris le contrôle, C8 est une “délinquante multirécidiviste”, et il s’agit donc de mitiger les risques. Les invités de la première émission : Éric Zemmour, Robert Ménard, Manuel Valls, Pascal Praud, Matthieu Valet ; et de la deuxième : Nicolas Dupont-Aignan, Alice Cordier, Guilhem Carayon, Loïc Signor, pour continuer la même recette usitée depuis des années par les médias Bolloré, que Les Jours décrit dans ses dossiers. La tactique est d’asséner aux auditeur·ices la rhétorique de l’extrême-droite pendant les heures de grande écoute, et de se contenter de rediffuser un enchainement pêle-mêle de déclarations de figures de gauche pour prétendre au pluralisme. Selon l’élu de Canal+, « c’est “all in”, c’est “on s’en fout de l’Arcom” ». Et à un journaliste de Cnews de rappeler : « c’est comme d’habitude, simplement là, tout le monde nous regarde ».

Raphaël Garrigos et Isabelle Roberts, L’empire Bolloré : les ondes incarnées du RN, Les Jours, 18 juin 2024

La campagne de Bolloré pose des questions sur le rôle et les capacités des organes de contrôle des médias. L’Arcom, gendarme de l’audiovisuel, a écrit ce mercredi (19 juin) à Europe 1 pour rappeler la direction en ordre quant à ses obligations de « mesure » et « d’honnêteté ». La principale arme de l’Arcom est la sanction sous forme d’amendes — la dernière en date infligée à un des médias de Bolloré, CNews, s’élevant à 50 000 euros en mai. Entre février 2022 à février 2024, ces sanctions ont coûté plus de 5 millions d’euros au conglomérat Bolloré. Mais ces dépenses ne constituent que tout au plus un prix, plutôt qu’une amende, que le groupe est plus que prêt à payer pour poursuivre sa mission de propagande. Les médias Bolloré fonctionnent quasiment comme un parti politique (ils ont en effet un projet politique et des candidats aux élections), mais qui n’aurait pas de limitation de ses capacités financières. Un petit rappel de ces régulations : les dons des particuliers aux partis sont plafonnés à 7 500€ par personne, les contributions des entreprises interdites, et quant aux législatives, chaque candidat n’a le droit de dépenser plus de 38 000 euros en frais de campagne — cela équivaut à 22 millions d’euros pour le camp du RN. Or, comment comptabiliser les dépenses généreuses du groupe Bolloré pour soutenir nombreuses activités qui visent à permettre la victoire de l’extrême-droite ? 

BFMTV suit le pas de CNews. BFMTV a été dépassée en mai par CNews en termes d’audimat. Pour faire face à cette compétition, elle fait le choix de reprendre les thématiques de prédilection de la chaîne compétitrice (immigration, sécurité) et, désormais, de lui reprendre également des éditorialistes — et ce afin de mieux parler à l’électorat du RN « pour qu’ils ne se détournent pas de BFM », selon un journaliste de la chaîne. La victoire de l’extrême-droite aux européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale accélèrent ainsi le phénomène de bollorisation des médias. Depuis, Marc-Olivier Fogiel, directeur de BFMTV, a envoyé des consignes pour “équilibrer” les plateaux télévisés en incluant des opinions de droite radicale. De nouveaux visages sont donc apparus sur la chaîne, comme des journalistes de Valeurs actuelles qui contestent le qualificatif d’extrême droite pour le RN et critiquent les manifestations contre l’extrême droite, une ancienne militante de La Manif pour tous, ou un ancien communicant de la famille Le Pen… Selon un programmateur de la chaîne, « [c]’est très rare qu’on nous envoie des listes, ça montre bien que BFM flippe de la concurrence de CNews ». C’est une décision critiquée en interne : « [l]e souci, ici, c’est qu’on a un débat entre deux personnes qui défendent chacun un camp politique, le temps de parole de l’un est décompté, mais pas celui de l’autre au prétexte qu’il est journaliste ». « Plutôt que de se remettre en question et de s’interroger sur notre part de responsabilité, la direction se dit :“L’extrême droite fait 40 % aux européennes, alors on doit les représenter à hauteur de 40 %” ». 

Nouveau Front populaire : un programme économique sérieux attaqué par les médias, tiraillements internes

Le programme du Nouveau Front populaire : sérieux et réaliste. Michael Zemmour présente le programme économique ambitieux du Nouveau Front Populaire (NFP), contrastant nettement avec les politiques actuelles. Axé sur la relance sociale et les investissements publics et privés, le programme vise à restaurer la justice fiscale tout en renforçant les services publics. Zemmour défend la crédibilité des mesures proposées et leurs pistes de financement, malgré les incertitudes économiques persistantes. Il critique vivement le débat sur le « réalisme » des propositions, jugeant qu’il détourne l’attention des choix économiques fondamentaux nécessaires pour répondre aux défis sociaux et environnementaux. En rejetant les réformes antisociales en cours et en proposant des ajustements fiscaux significatifs, comme la réintroduction de l’impôt sur la fortune et des taxes sur les successions élevées, le NFP se positionne clairement en rupture avec la politique de réduction des prélèvements obligatoires et de protection sociale menée depuis 2017. Zemmour appelle à un débat démocratique approfondi, tel que devraient le permettre les médias, sur les orientations économiques alternatives offertes par les différents partis politiques lors de cette élection.

Michaël Zemmour, Politique économique : le nouveau Front populaire dessine un changement de cap, Alternatives économiques, 20 juin 2024

Le SMIC à 1 600 euros nets : un projet réaliste à mener progressivement. Le programme du Nouveau Front Populaire (NFP) prévoit une augmentation du SMIC de 14 %, portant le salaire minimum à 1600 € nets dès les 15 premiers jours du mandat. Cette mesure vise à compenser la stagnation du pouvoir d’achat du SMIC depuis 2012, accompagnée d’une hausse de 10 % du point d’indice, souvent gelé ou revalorisé en dessous de l’inflation. Économiquement, elle pourrait stimuler la consommation en augmentant le pouvoir d’achat des bas salaires, sans impact significatif sur l’emploi. Bien que représentant un coût de 13 milliards d’euros pour les finances publiques après ajustements fiscaux, elle pourrait également engendrer des économies à long terme en réduisant les dépenses sociales et en favorisant la croissance. Des ajustements progressifs des allègements de cotisations sont envisageables pour atténuer l’impact financier et soutenir les entreprises face aux coûts de main-d’œuvre accrus.

Clément Carbonnier, La hausse du SMIC à 1600 € net, Alternatives économiques, 18 juin 2024

Pas de débat démocratique sur le programme économique de la gauche. Romaric Godin critique la réduction de la campagne législative 2024 à un débat stérile sur les chiffrages et coûts des programmes politiques. Il dénonce le fétichisme budgétaire qui impose une vision étroite de la politique, alignée sur les contraintes économiques néolibérales. Godin rappelle que les grandes transformations historiques, comme la création de la Sécurité sociale en France ou le New Deal aux États-Unis, ont été réalisées sans se soumettre à des contraintes financières préalables. Il souligne l’ironie de critiquer le programme du Nouveau Front Populaire pour son coût supposé, alors que le gouvernement actuel a distribué des milliards sans chiffrer leur retour financier, aggravant ainsi les finances publiques. Godin plaide pour un rejet de l’exercice du chiffrage détaillé, qui est un piège politique imposé par les adversaires progressistes. Selon lui, la gauche devrait reprendre son rôle de critique des lois économiques établies et recentrer le débat politique sur ses priorités sociales et environnementales.

La France, un paradis fiscal. L’économiste Gabriel Zucman plaide pour l’introduction immédiate en France d’un nouvel impôt sur les grandes fortunes dès la mi-juillet, pendant la campagne des législatives. Il met en lumière les taux d’imposition très bas dont bénéficient les milliardaires, avec un taux effectif de moins de 2 % sur le revenu, comparé à plus de 50 % pour le citoyen moyen. « La France est un paradis fiscal pour les milliardaires : si tous partaient demain s’installer aux îles Caïmans, cela ne changerait quasiment rien aux recettes du Trésor public ! » Zucman propose un système progressif similaire à celui proposé par Bernie Sanders aux États-Unis en 2020 : 1 % sur les patrimoines au-delà de 10 millions d’euros, jusqu’à 8 % au-dessus de 10 milliards. Ce plan pourrait générer entre 30 à 40 milliards d’euros annuellement. Pour éviter l’exil fiscal, il recommande de lier cette mesure à une taxe sur les résidents quittant la France pour des régimes fiscaux plus avantageux. Il souligne aussi l’importance d’une coopération mondiale pour harmoniser la taxation des ultra-riches, appuyée par une dynamique favorable dans les forums internationaux tels que le G20 et le G7.

Tiraillements internes. Le meeting du 17 juin à Montreuil devait marquer un moment clé pour les gauches et les écologistes, visant à créer un Front populaire renouvelé après les élections européennes. Organisé par des personnalités comme Julia Cagé, Thomas Piketty, Laurence de Cock, et Caroline De Haas, il a toutefois été le foyer de tensions internes exacerbées au sein de la nouvelle coalition. La France insoumise (LFI) a écarté des figures notables comme Alexis Corbière, Raquel Garrido et Danielle Simonnet. À la place, LFI a désigné Aly Diouara, fondateur du parti politique « La Seine-Saint-Denis au cœur » (SSDC), Sabrina Ali Benali, médecin généraliste, et Céline Verzeletti, ancienne membre du bureau confédéral de la CGT. La justification de LFI pour ces exclusions repose sur l’élargissement de la représentation politique aux classes populaires. Cette stratégie comprend également des candidats comme Amal Bentounsi et Abdelkader Lahmar, engagés respectivement contre les violences policières et pour les quartiers populaires.
Mais, globalement, l’accord du Nouveau Front populaire (NFP) n’a pas conduit au grand débordement annoncé vers la société civile. Ces décisions ont suscité de vives réactions. Par exemple, Djamel Blanchard, militant des quartiers populaires, a déploré le mépris perçu des élites politiques envers les habitants des quartiers populaires, malgré les discours progressistes sur les injustices sociales. Certains observateurs comme Ulysse Rabaté voient cependant dans les investitures de LFI une stratégie visant à aborder des préoccupations importantes pour les quartiers populaires, telles que les violences policières, les discriminations, l’islamophobie, les services publics et la question palestinienne. Latifa Oulkhouir, directrice de l’ONG Le mouvement, souligne l’urgence de mobiliser contre l’extrême droite pour éviter son accession au pouvoir. « Les militants des quartiers populaires seront en première ligne si l’extrême droite gagne », insiste-t-elle. Pour elle, l’urgence est de se concentrer sur l’action citoyenne immédiate. Après les élections, elle préconise une mobilisation continue et autonome des habitants des quartiers populaires pour défendre leurs intérêts. 

Lénaïg Bredoux et Mathieu Dejean, Quartiers populaires, syndicats, ONG : l’ouverture de la gauche reste limitée, Médiapart, 17 juin 2024

Dans les quartiers populaires des Yvelines, le Nouveau Front populaire mobilise face au sentiment d’abandon. Malgré une forte abstention historique, des militants comme Christophe et Rania de La France insoumise (LFI) font du porte-à-porte pour sensibiliser les habitants déçus et désabusés. Beaucoup se sentent ignorés par la classe politique, un sentiment renforcé par des conditions de vie difficiles et un environnement délaissé. « On n’est pas allés voter aux européennes, et on ne le fera pas non plus aux législatives : ça sert à rien. L’extrême droite, la droite, la gauche… C’est tous les mêmes. Ils ne pensent qu’à leur carrière : ils s’en foutent de nous ! » leur lance un habitant. « Sur le terrain, on voit la puissance des médias comme CNews : les gens répètent tels quels certains de leurs arguments », se désole un militant LFI. À Saint-Cyr-l’École, où le RN a récemment progressé, les résidents expriment leur colère envers une politique perçue comme inefficace et éloignée de leurs préoccupations quotidiennes. « Je pense qu’aujourd’hui, tout le monde est perdu. Les gens ne savent plus ni pour qui voter, ni pour quoi. Même si la France reste mon pays, elle n’est belle que de loin : cela fait trente ans que l’on tourne en rond et que l’on subit la situation », témoigne un ancien militaire. Malgré des réactions mitigées lors des rencontres, les militants persistent dans leur démarche de mobilisation, conscient de l’importance cruciale de chaque vote pour contrer l’extrême droite aux législatives. L’engagement sur le terrain révèle une profonde fracture sociale et politique, où les déceptions et les espoirs fragiles se confrontent à l’urgence de changer le cours politique local et national.

Amélie Quentel et Mathieu Génon, Dans les quartiers populaires, des habitants écœurés par la politique, Reporterre, 18 juin 2024.

En Macronie, le syndrôme du poulet sans tête

De progressiste à réactionnaire : la dérive consciente de Macron. Emmanuel Macron ne se laisse pas dicter le silence malgré les pressions de ses alliés. Lors d’un déjeuner avec des journalistes, le 18 juin, il a fustigé l’« esprit de défaite » parmi ses troupes après la dissolution de l’Assemblée nationale, déclarant : « [La décision de dissoudre] a laissé un goût amer aux élus de mon camp qui redoutent d’être rayés de la carte ». Le président français a vigoureusement critiqué le Nouveau Front populaire (NFP) en jouant la carte de la transphobie, affirmant lors de ce même déjeuner : « Sur la question sociétale, regardez le programme, ils sont en train de proposer qu’on puisse changer de sexe en mairie ! […] Ça, c’est une vision de la société, ce n’est pas la mienne » — une proposition « ubuesque », selon lui, qui était pourtant dans son programme de 2022. Il la livra même dans le magazine Têtu, comme le rappelle Libération : « Les personnes qui s’engagent dans un processus de transition doivent être respectées dans leur choix et leur vie ne doit pas être rendue plus complexe par des procédures administratives si elles sont inutiles. » Plus tard dans la journée, il a également accusé le NFP de défendre une « politique immigrationniste », un terme utilisé dans les années 1980-90 par Jean-Marie Le Pen et s’impose dans les années 2000 dans les milieux d’extrême-droite. Ces petites phrases sont très éloignées de l’image progressiste et moderne que Macron a voulu se donner en 2017. Dans sa tactique électorale, Macron cherche à fracturer le NFP avant le premier tour en soulignant les divergences internes : « Il y a des gens qui ont rejoint le [Nouveau] Front populaire et ne partagent pas leurs valeurs », comme l’a soutenu un conseiller élyséen. Mais le camp présidentiel réagit avec réserve sur cette orientation politique, qui risque de compromettre un front républicain au second tour des élections législatives.

Après avoir vidé les caisses, pas de programme pour les remplir. Le Premier ministre Gabriel Attal a présenté jeudi 20 juin le programme électoral de la majorité pour les législatives anticipées, qui s’étend sur douze pages, dont est absent Emmanuel Macron, et réutilise largement des mesures déjà annoncées. Il a mis l’accent sur le pouvoir d’achat avec des propositions telles que l’extension jusqu’à 10 000 euros de la prime Macron et une baisse de 15 % sur les factures d’électricité dès cet hiver. Toutefois, le programme évite de préciser les économies nécessaires pour le budget 2025, estimées à 20 milliards d’euros pour respecter la trajectoire d’un déficit de 5,1 %. Attal a critiqué vivement les programmes concurrents, qualifiant ceux de Jordan Bardella et du Nouveau Front populaire de démagogiques et de dissimulatrices. Il a averti que le programme de la gauche pourrait entraîner une perte de 200 euros pour les ouvriers et une baisse moyenne de 160 euros pour les retraités. En outre, il a souligné une règle d’or budgétaire visant à ne pas augmenter les impôts, affirmant que cette promesse serait tenue sans ambiguïté.

L’instabilité créée par Emmanuel Macron effraie les marchés et l’Europe. Emmanuel Macron a récemment décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, déclenchant une réaction négative immédiate sur les marchés financiers. En une semaine depuis cette annonce, le CAC 40 a chuté de 6,7 %, soit une perte de 220 milliards d’euros de capitalisation boursière, alors que les investisseurs étaient restés insensibles à la dégradation de la notation de la France par Standard and Poors une semaine plus tôt. Les taux des obligations d’État français ont grimpé de 0,8 %, atteignant 3,8 %, annulant ainsi les effets d’une récente baisse par la BCE. Cette instabilité a exacerbé les craintes d’une crise de la dette et augmenté le spread avec les obligations allemandes, atteignant +0,80 %, son plus haut depuis 2017. Des analystes prévoient que la France pourrait subir des milliards d’euros de frais d’intérêts supplémentaires lors de prochaines émissions de dette. Cette situation a également détérioré la réputation d’Emmanuel Macron sur la scène internationale, exacerbant l’incertitude politique et économique en Europe.« Le chef de l’État est désormais jugé comme “imprévisible”, “toxique”, voire “irresponsable”, jouant le destin de la France et de l’Europe “à la roulette russe”. » De nombreux analystes financiers préconisent de se tenir éloigné de la France et de l’Europe.

Rassemblement national : un programme d’extrême-droite

Le programme du RN : néolibéralisme et « préférence nationale »

La boussole idéologique du projet économique du RN est la “préférence nationale”, visant à priver les étrangers de certains droits sociaux pour financer un État-providence réservé aux Français. Cette approche xénophobe cherche à détourner la population des impacts du néolibéralisme en ciblant les étrangers comme responsables des problèmes économiques. En somme, la politique du RN combine répression sociale et économique basée sur des critères ethniques, sans résoudre la crise du capitalisme français.

Le projet économique du RN reste flou ou incohérent sur bien des aspects, trop coûteux ou irréaliste sur d’autres, et ne rompt pas avec le statu quo du néolibéralisme. L’incohérence de ce programme, fluctuant entre interventionnisme et ultralibéralisme selon l’électorat à séduire, s’expliquerait notamment par l’absence d’économistes au RN. Le parti s’appuie plutôt sur des technocrates et hommes d’affaires. Le groupe pseudo-secret des « Horaces », dirigé par André Rougé, comprend des anciens hauts fonctionnaires obsédés par l’immigration plus que par les inégalités économiques. Parmi eux, Philippe Baccou et Hervé Fabre-Aubrespy, influencés par le « Club de l’Horloge », prônent un « national-libéralisme ». Alain Lefebvre, autre membre influent, a contribué à l’élaboration du programme économique de 2022. Renaud Labaye, jeune technocrate, coordonne les députés RN à l’Assemblée et prône des mesures favorables aux entreprises, comme l’allègement des impôts de production, tout en restreignant les allocations pour les étrangers. Les promesses sociales du RN, souvent affichées pour séduire les électeurs, sont peu crédibles. Les votes des députés RN à l’Assemblée révèlent une orientation néolibérale, alignée avec les intérêts des entreprises et opposée aux mesures sociales de la gauche. L’économie n’est pas la priorité du RN, qui se focalise sur la lutte contre l’immigration, la délinquance et le terrorisme. La stratégie du RN vise à rassurer les milieux d’affaires et à se crédibiliser économiquement, tout en conservant une façade « patriotique économique ». En réalité, le RN propose une forme de néolibéralisme autoritaire, couplée à une xénophobie marquée.

Le barrage contre la gauche du patronat. Tandis que le RN cherche à rassurer les milieux économiques en multipliant les rencontres (Marine Le Pen, Jordan Bardella et d’autres députés RN se rapprochent de plus en plus d’entrepreneurs, des figures du patronat, des milieux d’affaire), une partie du patronat affiche clairement sa volonté de faire barrage, avant tout, à la gauche (anticapitaliste). La CPME (confédération des petites et moyennes entreprises) a demandé une baisse des charges et une politique de l’offre sans mentionner le RN, mais a critiqué le Nouveau Front populaire pour ses propositions fiscales. Le patron du Medef, Patrick Martin, déclare : « Le programme du RN est dangereux pour l’économie française […] mais celui du Nouveau Front populaire l’est tout autant, voire plus. » Le contexte rappelle les tensions des années 1930, où certains patrons préféraient une droite autoritaire à une gauche radicale — mais cette position du “plutôt Hitler que le Front populaire” semble rester difficilement assumable, et des figures patronales continuent de s’y opposer.

Jérémie Younes, Comment le patronat français a cessé de faire barrage au FN, Alternatives Economiques, 20 juin 2024

Un programme anti-immigrationniste. Le RN tient de plus en plus de propos sur les « bons immigrés », visant à rassurer et à élargir son électorat. Le 14 juin, Jordan Bardella a affirmé sur BFMTV/RMC que les immigrés respectueux des lois et travailleurs n’ont rien à craindre de leur politique. Marine Le Pen a clarifié que Bardella parlait des étrangers résidant légalement, alors que Sébastien Chenu, député RN, a suggéré l’abolition de la double nationalité, une proposition retirée du programme du RN depuis 2017. Chenu a rapidement rétracté ses propos. Le programme du RN pour les élections législatives met en avant la réduction de l’immigration légale et illégale sans préciser les détails, tout en maintenant des mesures contre les binationaux et en projetant de supprimer le droit du sol. Malgré les tentatives de rassurer certains groupes d’immigrés, le RN continue de cibler l’immigration dans ses discours, associant immigration et insécurité.

« Le RN au pouvoir est une menace pour les principes fondateurs de la justice » selon l’avocat Vincent Brengarth. Lorsque les contre pouvoirs et garants de la préservation de l’Etat de droit font obstacle à ses mesures politiques populistes, le RN a tendance à les attaquer, mettant en question l’avenir de l’indépendance judiciaire et des garanties constitutionnelles en cas de son arrivée au pouvoir. Laurent Fabius, Président du Conseil constitutionnel, soulignait récemment que  « [c]’est souvent parce que le Conseil constitutionnel est un rempart de nos droits et de nos libertés qu’il est pris pour cible ». Le RN critique non seulement le Conseil constitutionnel mais aussi le pouvoir judiciaire, accusé de laxisme sans fondement réel. Marine Le Pen a exprimé des vues sur la justice, remettant en cause des principes tels que l’excuse de minorité et prônant le rétablissement des peines planchers, malgré les principes d’individualisation des peines. Les critiques du RN à l’égard des institutions démocratiques révèlent une volonté de répression autoritaire et une dégradation potentielle de l’État de droit en France.

L’environnement n’est pas une priorité. Le RN prétend proposer une « écologie positive », mais dans les faits, ses actions et positions montrent un désintérêt significatif pour la protection climatique et environnementale. Il se limite à des attaques du Pacte vert européen qualifié d’“écologie punitive” nuisible pour le niveau de vie, sans pour autant proposer de mesures à ce sujet. Le RN préfère les énergies fossiles aux énergies renouvelables, propose des mesures qui aggraveraient les émissions de gaz à effet de serre (ex. la baisse de la TVA sur les énergies fossiles), ne propose aucune mesure pour soutenir les ménages précaires dans leur transition écologique (envisageant même d’abroger les normes de rénovation énergétique pour les bâtiments), et manque de propositions concernant la protection de la nature, la lutte contre la pollution de l’air et la promotion d’une alimentation durable. Une victoire électorale du RN compromettrait les efforts actuels et futurs pour la protection de l’environnement, la santé publique et les conditions de vie des citoyens, en favorisant une approche technophile simpliste et potentiellement dommageable pour les générations futures. 

Coralie Schaub, Les propositions du RN sur l’écologie : «Un cadeau aux riches», Libération, 20 juin 2024

Les associations environnementales redoutent une répression accrue sous un gouvernement RN. Selon France Nature Environnement (FNE), une majorité d’extrême droite à l’Assemblée nationale pourrait compromettre leur capacité à opérer librement. Des exemples de tentatives passées du RN de couper les subventions à des associations comme le Réseau Action Climat (RAC) et Greenpeace soulignent ces inquiétudes. Le RN a également proposé des mesures visant les lanceurs d’alerte et les activistes, ce qui pourrait limiter leurs actions en criminalisant davantage leurs activités. Les déclarations des représentants du RN, comme celle de Jordan Bardella qualifiant les activistes écologistes de « mouvance rétrograde » ou d’ »éco-terroristes », exacerbent ces craintes. De plus, les politiques proposées par le RN, telles que le renforcement de la surveillance et l’élargissement de la présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre, suscitent des préoccupations quant à une intensification de la répression physique et judiciaire contre les militants. 

Hortense Chauvin, Avec le RN au pouvoir, la fin de l’activisme écolo ?, Reporterre, 20 juin 2024

La dégradation de l’accès aux services publics, un moteur pour le RN. La restructuration des services publics, comme la fermeture de bureaux de poste, centres des impôts, maternités et petites lignes de train, est perçue comme un déclassement. Cette situation, exploitée par le Rassemblement National (RN), alimente le sentiment d’abandon. Jérôme Fourquet note que cela sert de « carburant du RN dans les petites villes et villages ». Une étude de l’Institut Terram indique que l’isolement géographique et les difficultés de transport favorisent le vote RN. Claire Lemercier souligne que la fermeture de services publics symbolise un désengagement de l’État, perçu comme une « mise en concurrence des malheurs ». Pour reconquérir le vote des catégories populaires, la gauche doit proposer des mesures fortes en matière de services publics, selon Julia Cagé. Pour elle, « l’injustice dans l’accès aux services publics est l’un des principaux déterminants du vote RN, avec le pouvoir d’achat. Et ce, avant la question migratoire. » Elle recommande notamment de réintroduire l’impôt de solidarité sur la fortune pour financer les services publics dans tout le territoire, estimant un gain de 30 milliards d’euros par an. Il est crucial de répondre aux besoins locaux, comme l’accès à l’hôpital et à l’école, et de revaloriser les métiers et les salaires dans le secteur public. Le Nouveau Front populaire propose un plan d’investissement pour les services publics, le RN reste vague, Renaissance reste sur sa ligne de simplification des démarches administratives. 

Le RN souhaite privatiser le service public de l’audiovisuel, suscitant de sérieuses interrogations quant à la liberté d’expression et les obligations des médias de diffuser des informations nécessaires au fonctionnement démocratique. Mais c’est également la liberté de création qui est menacée : Agnès Tricoire, présidente de l’Observatoire de la liberté de création, souligne un durcissement significatif des mesures de censure des œuvres en cas de victoire de l’extrême droite. Elle met en garde contre une sortie éventuelle de la France des traités européens sous l’influence du RN, compromettant ainsi la protection actuelle de la liberté d’expression et des arts. L’Observatoire alerte sur d’autres actions prévues par l’extrême droite, telles que la réduction des subventions aux secteurs culturels qu’elle désapprouve, favorisant le patrimoine au détriment du spectacle vivant ou l’art contemporain. 

Condamnation judiciaire dans l’affaire des kits de campagne, 12 ans après. Le Rassemblement national (RN) a été définitivement condamné dans l’affaire des « kits de campagne », un coup dur en pleine campagne législative. La Cour de cassation a rejeté les pourvois du RN et de proches de Marine Le Pen, confirmant les condamnations pour recel d’abus de biens sociaux. En 2012, le parti, alors Front national, avait surfacturé ces kits vendus aux candidats pour obtenir un remboursement étatique. L’amende de 250 000 euros en appel a été maintenue, justifiée par la gravité des faits. Parmi les condamnés figuraient des proches de Le Pen et anciens du Groupe Union Défense (GUD), dont Frédéric Chatillon de Riwal et Axel Loustau du micro-parti Jeanne. Cette affaire a été jugée comme une atteinte aux règles démocratiques fondamentales.

Des investitures peu respectables

À chaque élection, des publications racistes, antisémites, homophobes ou misogynes de candidats du RN refont surface, et le parti réagi en retirant rapidement son soutien aux candidats concernés. Cela lui permet de se présenter comme un parti vigilant contre le racisme et l’antisémitisme. Depuis 2011, le RN surveille les réseaux sociaux de ses candidats et leur impose des consignes strictes. Les formations internes enseignent aux militants à reformuler plutôt qu’à rejeter des idées racistes. Cependant, cette stratégie de « nettoyage » médiatique cache le fait que de nombreux membres aux opinions similaires restent au sein du parti. 

Malgré ses efforts de respectabilisation, les investitures du Rassemblement national (RN) trahissent sa vraie nature. Quelques portraits éloignés des canons de la dédiabolisation. Streetpress relève ainsi la présence de Pierre-Nicolas Nups dans la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle, un candidat condamné pour homophobie en 2017 et à 5 ans d’inéligibilité pour incitation à la haine homophobe.

Autre profil repéré par Streetpress : Julie Rechagneux, élue du RN au Parlement européen et candidate dans la 4e circonscription de Bordeaux, connue pour des accointances avec des néonazis : Bordeaux nationaliste, un groupuscule néofasciste dissous en 2022 pour ses positions xénophobes et violentes, et Toutatis clan, connu pour son imagerie nazie. Libération, de son côté, dévoile dix autres candidats au profil marqué. À Paris, Agnès Pageard, récidiviste, a soutenu des figures antisémites comme Henry Coston. Anthony Zeller, dans le Loiret, a proféré des commentaires racistes sur les réseaux sociaux. Philippe Chapron, du Calvados, lié aux néofascistes, a été arrêté avec armes et poing américain. À Lyon, Délia Agus minimise le racisme et défend des actes violents d’extrême droite. Sandrine Chadourne, en Gironde, suit des pages antisémites tout en soutenant Netanyahu. En Guadeloupe, Rody Tolassy agresse physiquement des opposants. Dans les Alpes-Maritimes, Andrea Orabona, nostalgique de Pétain et adepte du suprémcisme blanc. En Indre-et-Loire, Corine Fougeron alimente les théories du complot. Enfin, dans les Yvelines, Anne Sicard, liée à l’institut Iliade, propage des idées de suprémacisme blanc.

Jusqu’à l’invasion de l’Ukraine en 2022, le Rassemblement national (RN) a entretenu des liens étroits avec la Russie de Poutine, appuyé par des prêts russes depuis 2014. Mediapart rapporte que quinze candidats du RN, incluant Marine Le Pen, Louis Aliot, Frédéric Boccaletti, Ludovic Pajot et Joëlle Mélin, ont eu des liens directs avec la Russie par le biais de missions d’observation électorale ou de visites à haut niveau à Moscou. Ainsi, par exemple, en juillet 2020, une délégation comprenant dix eurodéputés du Rassemblement national, dont Hélène Laporte, Virginie Joron, Julie Lechanteux, et Jean-Lin Lacapelle, s’est rendue en Russie, sur invitation, pour observer le référendum constitutionnel en Crimée. Ils ont loué le processus comme une « leçon de démocratie » et ont validé le référendum, permettant à Poutine de rester au pouvoir.

Ciotti scelle l’union. Éric Ciotti a mené une campagne effrénée pour former une alliance RN-LR, révélant une galerie de candidats controversés. Malgré l’opposition interne à LR, il a réussi à obtenir 62 circonscriptions pour ce « rassemblement des droites ». Parmi les figures investies, on retrouve d’anciens députés LR aux idées nationalistes et très droitières, des personnalités de CNews et des partisans de Zemmour identifiés par leur soutien aux idées nationalistes, anti-immigration et anti-islam. Cette alliance a suscité des critiques pour avoir intégré des profils problématiques. Ciotti a défendu cette stratégie en déclarant : « C’est une réponse nécessaire face à la fragmentation de la droite, afin de garantir une représentation forte et unie au parlement ».

Youmni Kezzouf et Ellen Salvi, Alliance RN-LR : la galerie des affreux, Médiapart, 17 juin 2024

Dans les rues, l’extrême-droite se déchaîne

Le RN, c’est la violence. Le 1er juin à Montpellier, lors du Festival des fanfares, un groupe d’extrême droite avait attaqué un syndicaliste anti-extrême droite et un passant qui était intervenu. Les assaillants sont liés à Génération Z et d’autres groupuscules néonazis. Depuis 2022, ces groupes multiplient les attaques violentes, ciblant des antifascistes, des militants de gauche et des personnes LGBT. Les attaques, souvent filmées et diffusées sur les réseaux sociaux, sont en augmentation.

Et voilà que la victoire européenne du RN les enhardit. À Paris, quatre militants d’extrême droite ont été condamnés pour une agression homophobe, justifiant leurs actes par la victoire du RN aux européennes.

À Lyon, le 14 juin, après une manifestation contre le Rassemblement national, des extrémistes ont envahi le quartier progressiste des Pentes de la Croix-Rousse. Environ 50 individus masqués ont scandé des slogans racistes et attaqué des personnes sur une terrasse de bar, provoquant des blessures et un mouvement de panique. Ce quartier a été régulièrement ciblé par des descentes similaires depuis les années 2010, visant des lieux culturels et politiques de gauche — mais le militantisme d’extrême droite semble gagner en confiance à chaque succès électoral du RN, augmentant les risques d’agressions futures.

Le 15 juin à Angers, une dizaine de nationalistes armés de bombes lacrymogènes a semé la panique à la guinguette Héron carré lors d’un concert du rappeur Vin’s où étaient une centaine de spectateurs. La confrontation a dégénéré en bataille rangée, se prolongeant à l’entrée du parc où les nationalistes ont reçu du renfort. Une personne a été hospitalisée et une autre interpellée. Le même jour, entre 250 et 300 néonazis de plusieurs pays européens se sont rassemblés à Combres-sous-les-Côtes, en Meuse, pour un tournoi clandestin de MMA intitulé « Day of Glory ». L’événement, organisé à La Taverne de Thor, un repaire des Hammerskins, a eu lieu malgré une brève visite des gendarmes locaux. Des autorités européennes étaient informées de ce rassemblement, empêchant certains néonazis allemands de traverser la frontière pour y participer. Mais la préfecture et les autorités locales n’ont pas réagi. Les événements de ce type sont utilisés par l’extrême droite pour s’entraîner, recruter et financer leurs activités. 

Les attaques racistes se multiplient, mortellement. Le 16 juin, alors que 2 000 personnes célébraient la fête de l’Aïd dans un gymnase à Bonneuil-sur-Marne, un homme s’y est introduit, armé. Il a été neutralisé avant de pouvoir tirer par des citoyens et le maire, Denis Öztorun. Le 18 juin, ce sont des tags racistes, incluant des inscriptions telles que « Sales bougnoules » et « rentrez chez vous », ainsi que des croix gammées, qui ont été découverts sur les murs de la nouvelle mosquée Es-Salam en construction à Montauban, dans le Tarn-et-Garonne. Ces graffitis ont été signalés à la police par un membre de l’association Musulmane de Montauban, qui a déploré que ce soit la cinquième fois qu’ils soient confrontés à de tels actes racistes, mentionnant précédemment des têtes de cochon et d’autres graffitis similaires. Pour l’instant aucune plainte n’a été déposée, mais ils ont décrit une atmosphère quotidienne d’incivilités et de propos racistes. Des responsables politiques et communautaires ont souligné que ces incidents ne sont pas isolés, mentionnant des actes similaires sur des affiches électorales et des bâtiments publics dans le Tarn-et-Garonne au cours de l’année écoulée. En février en Haute-Savoie, c’était Angela Rostas, une femme rom enceinte de sept mois, qui avait été tuée par balles. L’enquête menée ces derniers mois conclut que les tirs semblent avoir été motivés par le racisme, ciblant les gens du voyage de manière aveugle. Deux hommes ont été arrêtés et inculpés pour meurtre et tentative de meurtre racialement motivés. Angela laisse derrière elle trois filles et son mari. 

La police peine à garder une neutralité. Après les résultats des élections européennes, un homme de 31 ans est surpris par la police en train de taguer « Bardella meurt » près de chez lui à Paris. En garde à vue, il dit avoir subi des insultes homophobes et politiques et des intimidations physiques. Au commissariat, il aurait été accueilli par des policiers chantant un hymne pro-RN. Après une nuit en cellule, il est libéré sans poursuites, et une enquête administrative est annoncée pour examiner les allégations d’abus policiers. Par ailleurs, le syndicat Alliance-Police nationale a publié un tract intitulé « Lettre ouverte » critiquant sévèrement le Nouveau Front populaire (NFP). Bien qu’il ne donne pas de consigne de vote explicite, sa critique de personnalités de gauche et sa dénonciation d’une position « antiflics » de la gauche ne laissent pas beaucoup de place au doute. Il est clair que le discours sécuritaire du RN séduit plus qu’un membre d’Alliance, dont un responsable local se présente même sous la bannière du parti. Les syndicats de police se montrent désormais plus prudents face à l’évolution de l’adhésion au RN parmi les policiers. Certains, comme la CGT-Police, ont participé à des manifestations contre l’extrême droite, mais d’autres, comme l’UNSA-Police, ont évité de telles prises de position pour éviter des divisions internes. Les syndicats préfèrent se concentrer sur des préoccupations opérationnelles. 

Sursaut de la société civile

La CGT donne une consigne de vote. Le 18 juin, le comité confédéral national (CCN) de la CGT a appelé à voter pour le Nouveau Front Populaire, jugé le plus en adéquation avec les aspirations des travailleurs. Le programme inclut l’abrogation de la réforme des retraites à 64 ans et l’augmentation du SMIC à 1 600 euros nets. La CGT maintient son indépendance, mais souligne l’importance d’empêcher l’extrême droite d’accéder au pouvoir : « La CGT est indépendante mais pas neutre. Le choix est simple : le fascisme ou le progrès social. » Ce n’est pas la première fois que la CGT donne une consigne de vote, ce fut le cas en 1936, à la Libération ou encore lors du programme commun en 1974. Des actions et manifestations sont prévues jusqu’aux élections législatives pour soutenir ces objectifs.

Anthony Caillé, secrétaire général de la CGT Intérieur-Police, appelle à faire barrage au Rassemblement National (RN). « Nous sommes en total désaccord avec la préférence nationale, très dangereuse et risquant de fracturer la République », dit-il. Il critique les autres syndicats policiers, qui n’appellent pas à faire barrage, affirmant qu’ils se « droitisent ». Caillé espère que la CGT, en restant fidèle à ses valeurs, attirera des policiers républicains et humanistes alors que le ministère de l’Intérieur a organisé l’hégémonie de trois syndicats identitaires et extrémistes (Unsa, Alliance et Unité). Il loue les mesures du Nouveau Front populaire (NFP), notamment la retraite à 60 ans, une augmentation salariale, et la réintroduction de la police de proximité, soulignant que ces promesses sont des revendications de longue date de la CGT Police.

« L’extrême droite est en opposition profonde avec la construction d’une société démocratique, tolérante et digne ». Plus de 160 sportifs, dont Yannick Noah, Jo-Wilfried Tsonga, Marion Bartoli et Marie-José Pérec, ont signé une tribune sur le site de L’Équipe, dénonçant l’extrême droite et appelant à voter « contre l’extrême droite » pour préserver une société démocratique et tolérante.

À la suite d’Ousmane Dembélé, Marcus Thuram prend position contre le Rassemblement National. Le Nouveau Front Populaire et le Parti Socialiste ont soutenu Thuram, valorisant son courage et son influence. En revanche, le RN a critiqué ses « idées reçues » et exprimé son « ras-le-bol de ces donneurs de leçon privilégiés », selon Julien Odoul.

Réunies sous la bannière « Le Stream Populaire », 200 personnalités d’Internet ont signé une tribune contre l’extrême droite avant les législatives de juin 2024, appelant à voter pour le Nouveau Front Populaire. Parmi les signataires figurent Antoine Daniel et mistermv. Le collectif, initié par Cassim Montilla, prévoit des événements sur Twitch pour soutenir cette initiative. « L’heure n’est plus à la neutralité », « l’Histoire nous regarde », peut-on lire.

« L’extrême droite n’a jamais été et ne sera jamais l’alliée des LGBTI. » Les organisations et militant.e.s LGBTI appellent à voter pour le Nouveau Front populaire aux législatives du 30 juin et 7 juillet, dénonçant la menace de l’extrême droite après son score historique aux européennes. Ils appellent à une mobilisation antifasciste et à la construction d’un front populaire pour protéger leurs droits et ceux des autres communautés marginalisées.

« Sans presse libre, pas de démocratie. » Plus de 100 médias publient une tribune pour préserver la possibilité même d’une presse libre, indépendante et pluraliste. Alors que les plus grosses chaînes d’information sont déjà sous la mainmise de l’extrême-droite, le RN annonce vouloir privatiser l’audiovisuel public s’il remportait les législatives. 

Dominique de Villepin, ancien Premier ministre, appelle à voter pour le Nouveau front populaire afin de contrer le Rassemblement national (RN) aux législatives 2024. Critiquant Emmanuel Macron, il déclare : « La priorité doit être donnée à la lutte contre le Rassemblement national. Le Rassemblement national constitue aujourd’hui la véritable menace pour notre pays. » Villepin reproche à Macron d’avoir abusé de ses pouvoirs et d’être sourd aux compromis, ce qui a conduit à la situation politique actuelle. Il considère la dissolution annoncée par Macron comme une « faute » et doute que la majorité puisse gagner ces élections.

Tournant historique pour la Ve République

Crise de régime et pouvoir d’un seul homme. La notion de « crise de régime » révèle les failles de la Ve République face à un exécutif surpuissant et peu entravé, analyse Paul Alliès, Président de la Convention pour la 6° République et Professeur Émérite de droit. La dissolution de l’Assemblée nationale met en lumière cette vulnérabilité démocratique, exacerbée par un pouvoir présidentiel sans contrepoids effectif. Cette septième dissolution sous la Ve République souligne l’échec des mécanismes institutionnels à contenir un pouvoir personnel en expansion continue. Même les consultations prévues par la Constitution n’ont pas été respectées, laissant la décision prise par une poignée sans consultation appropriée. « La dissolution de l’Assemblée nationale expose la fragilité démocratique face à un pouvoir exécutif démesuré et sans entraves », constate Alliès. À présent, quel que soit le résultat des législatives à venir, le président devra composer avec un Premier ministre issu de l’opposition, diminuant ainsi son pouvoir de gouverner sans partage. Cette dyarchie exécutive, pourtant bien accueillie lors des précédentes cohabitations, pourrait être mise à mal par les ambitions d’un Rassemblement National qui prône une « préférence nationale » radicale. Marine Le Pen, ardente défenseure de la Ve République, envisage tous les moyens constitutionnels pour arriver au pouvoir, y compris des référendums inconstitutionnels. Dans ce contexte, le « contrat de législature » du Nouveau Front Populaire se profile comme une voie vers une démocratisation nécessaire du régime politique français, avec des propositions allant de la proportionnelle à l’abolition du 49.3. Cependant, la mise en œuvre de telles réformes constitutionnelles reste un défi majeur, notamment face à la procédure d’amendement prévue par l’article 89. Malgré ces enjeux, l’union de la gauche représente un rempart contre une radicalisation politique plus profonde et pourrait offrir une voie vers un renouveau institutionnel indispensable.

Paul Alliès, Vers une vraie crise de régime, Le Club de Médiapart, 19 juin 2024

La faiblesse des contre-pouvoirs, source d’inquiétude. Pour Etienne Ollion, directeur de recherche en sociologie au CNRS, les institutions politiques françaises ont une apparence robuste, mais offrent peu de contrepoids significatifs à l’exécutif, en particulier en cas de montée de l’extrême droite. Il souligne : « Les institutions françaises sont une forteresse… pour ceux qui sont dedans. Les contre-pouvoirs face à l’exécutif sont faibles, bien plus qu’à l’étranger. » Il pointe notamment l’utilisation fréquente de l’article 49.3 et d’autres outils législatifs qui renforcent le pouvoir du gouvernement. Ollion critique aussi la centralisation française, qui limite la décentralisation des décisions comme en Allemagne ou en Espagne, rendant l’action publique moins équilibrée. Depuis 2022, le président Macron a abandonné la rhétorique du « front républicain » pour parler d’un « arc républicain », mettant soi-disant sur un pied d’égalité le Rassemblement national (RN) et la France insoumise (LFI), qualifiée abusivement d’« extrême ». En réalité, cette nouvelle rhétorique a surtout été utilisée pour diaboliser la gauche. Cette évolution marque un changement significatif dans la stratégie politique, qui a bénéficié au Rassemblement national, renforçant son image de responsabilité, alors qu’à gauche, certains à gauche ont adopté une position plus contestataire à l’Assemblée, au détriment de leur réputation. Cette dynamique a modifié les alliances traditionnelles et redéfini les marges acceptables de la politique française.

Kanaky : oubli et répression

Le mercredi 19 juin au matin à Nouméa, un important déploiement des forces de l’ordre a eu lieu autour du siège de l’Union calédonienne (UC) à Magenta, en prévision d’une conférence de presse de la Cellule de coordination des actions sur le terrain (CCAT). Christian Téin, figure de proue de la CCAT, a été arrêté avec sept autres personnes, accusées notamment d’association de malfaiteurs. Cette opération a entraîné des réactions vives : Nicolas Metzdorf, candidat aux législatives, a exprimé que ces interpellations étaient une condition sine qua non pour le retour à un dialogue serein en Nouvelle-Calédonie. Sonia Backès, présidente de la province Sud, s’est contentée d’une réaction laconique, affirmant simplement « Il était temps ! » De leur côté, les responsables de l’UC qualifient les arrestations d’abusives et pointent du doigt ce qu’ils considèrent comme une justice coloniale menaçant la sécurité des Calédoniens. Dans ce contexte tendu, l’appel au calme de l’Union calédonienne s’adresse à l’ensemble du pays, appelant à éviter toute provocation, tant sur le terrain que sur les réseaux sociaux. Le procureur de la République a confirmé les arrestations et a assuré que l’enquête se déroulerait avec impartialité. 

Une bonne nouvelle pour les écosystèmes européens

Après des mois de blocage, les États membres de l’Union européenne ont finalement adopté in extremis, le 17 juin, une législation clé du pacte vert pour l’Europe visant la restauration des écosystèmes endommagés. Cette décision, appuyée par vingt États sur vingt-sept lors d’une réunion à Luxembourg, marque une victoire importante pour enrayer la perte de biodiversité. Malgré des tensions internes en Autriche, où un revirement de vote a été critiqué d’illégal par le chancelier Nehammer, le texte impose des mesures pour restaurer 20 % des terres et espaces marins d’ici 2030, et améliorer la santé des forêts tout en retirant des barrages et en arrêtant le déclin des abeilles. 

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