L’Institut pour la démocratie et le débat public : comment aborder sereinement les questions de nativisme ?

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En 2024, aborder les questions de migration et de diversité s’apparente à une délicate opération de déminage. L’esprit de raison semble s’être éteint, laissant place à un tumulte d’émotions exacerbées. Des « vérités alternatives », comme l’incompatibilité supposée de l’Islam avec la République, gagnent en puissance, éclipsant l’analyse rationnelle. La moindre tentative de réflexion critique est aussitôt discréditée, taxée de « wokisme » ou d’« islamo-gauchisme ». Ce climat délétère nourrit un sentiment de méfiance et de division au sein de la société, contraignant chaque individu à choisir son camp et à se retrancher derrière ses convictions.

Conséquences : fractures et exclusions

Le nativisme, véritable poison dans le corps social, creuse des fossés entre les citoyens. Une hiérarchie invisible s’instaure, basée sur le « privilège du natif ». D’un côté, les « Français de souche », dont on tend aujourd’hui à faire les dépositaires légitimes de l’identité nationale. De l’autre, les citoyens naturalisés, les personnes issues de l’immigration ou simplement perçues comme « différentes » qui, pour ces raisons, n’auraient pas voix au chapitre. Cette catégorisation binaire est source d’exclusions et de discriminations, bafouant les principes fondamentaux d’égalité et de fraternité.

La devise nationale en danger

La devise « Liberté, Égalité, Fraternité », gravée sur le fronton de nos institutions, semble vaciller face à la montée du nativisme. L’interdiction controversée de l’abaya à l’école, les instrumentalisations de la laïcité à des fins politiques et la remise en question du droit du sol à Mayotte1 illustrent cette dérive inquiétante. L’universalisme républicain, socle de notre nation, se voit fragilisé par l’émergence de discours identitaires et particularistes.

Réinstaller la culture démocratique : un diagnostic qui nous engage 

Face à ce constat alarmant, une seule réponse s’impose selon nous : réinstaller la culture démocratique au cœur de la société. Il s’agit de :

  • Réouvrir l’espace du débat, trop souvent confisqué par des voix extrêmes et antagonistes. Rassembler autour de la table les forces vives de la nation, tous les démocrates attachés aux valeurs d’émancipation, de solidarité et d’égalité, pour engager un dialogue constructif sur les questions qui divisent.
  • Organiser le désaccord de manière constructive et raisonnée. Mettre en lumière les points communs qui nous unissent en tant que citoyens d’une même société, et dépasser les clivages artificiels qui nous séparent. Favoriser une écoute mutuelle et respectueuse, où chaque opinion peut s’exprimer sans crainte de stigmatisation.
  • S’adresser à une large diversité de publics, des décideurs politiques aux citoyens ordinaires, en passant par les organisations syndicales, les associations, les chercheurs et les médias. Diffuser des messages clairs et pédagogiques, fondés sur des données scientifiques et des analyses rigoureuses, pour éclairer le débat public et lutter contre les préjugés.

L’Idem : un acteur central dans la lutte contre le nativisme

L’Idem — L’Institut pour la démocratie ne se contente pas d’animer le débat public. Il joue un rôle crucial dans la production de connaissances et la diffusion d’une information fiable et objective. En s’appuyant sur des travaux scientifiques originaux et de grande qualité, l’Idem éclaire les ressorts du nativisme et propose des solutions concrètes pour enrayer sa progression.

Des signes d’espoir pour l’avenir

Malgré la gravité de la situation, des signes d’espoir existent. Le sondage annuel de la Lettre de la citoyenneté révèle qu’en 2023, 68% des Français sont favorables au droit de vote des étrangers résidant en France, une nette évolution par rapport aux 69% de Français opposés en 1996, selon le même sondage. L’indice de tolérance de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) continue également d’augmenter. Bien que l’indice s’est stabilisé dans les dernières années au niveau le plus élevé de son histoire, avec notamment une forte progression entre 2013 et 2022. Cependant, on observe des baisses ponctuelles liées à des événements tels que 2005, année du référendum sur l’Europe, et 2015, année des attentats. Cette tendance globale indique une évolution positive des mentalités. Cela signifie donc qu’il existe un décalage artificiel entre les termes du débat public et la vision que les citoyens ont réellement de la société française : nativisme et racisme d’une part; réalisme et tolérance d’autre part. 

Conclusion

En s’attaquant au nativisme et en réaffirmant les valeurs fondamentales de la démocratie, l’Idem contribue à construire une société plus juste et plus inclusive en intervenant dans ces débats. L’enjeu est de taille : retrouver le chemin de la raison et du dialogue pour garantir un avenir serein à notre société. Mais nous sommes optimisme car nous croyons à la confrontation des idées et cultivons le respect des différences, conditions nécessaires pour construire une démocratie pour toutes et tous.

  1. Nous le relevions dans notre revue de presse hebdomadaire du 17 février 2024 : https://institut-democratie.eu/2024/02/17/mayotte-extremedroite-vichy-revue-du-17-fevrier-2024/ ↩︎

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